La Scène, le 6 mai 2002
Pina assure toujours la première partie de la soirée…même robe noire, même enthousiasme à
retrouver un public parisien. Seule ce soir, elle interprète les mêmes titres que la dernière fois
mais le résultat est plus convaincant. Dépouillées, ses chansons sont l’occasion de se laisser
aller aux grès des mélodies tout en restant les deux pieds sur terre ; un bon moment certes,
mais pas inoubliable.
La Scène n’a jamais été aussi sombre que ce soir, mais Joseph Arthur persévère à porter ses lunettes
de soleil. Vêtu d’une chemise de l’armée allemande agrémentée d’un autocollant en forme de cœur placé
là où il faut, il saisit sa guitare acoustique en silence. Quelques accords suffisent pour reconnaître
le vieux « Daddy’s On Prozac » ; une version acoustique chantée par un Joseph Arthur à la voix plus
écorchée que jamais et brutalisée par un coup de médiator tranchant…singulière transformation du
médiator en véritable lame de rasoir. Pour remuer le couteau dans un passé pénible et obsédant,
Joseph Arthur, cette fois accompagné de sa « boîte magique à enregistrer des sons », interprète
« The Redemption’s Son », titre aux paroles plus qu’amères devant figurer sur la version
définitive du prochain album, qui prend vite la tournure d’une chorale de milles guitares et voix
entêtantes.
The Redemption’s Songs
Ce soir Joseph Arthur présente le deuxième volet de sa trilogie de concerts parisiens.
Le public s’interroge sur la présence d’un groupe qui l’accompagnerait ou sur la possibilité
d’un set acoustique, mais le concert sera dans sa forme finalement similaire à celui de la Maroquinerie.
Comme si les prolifiques ‘Junkyard Hearts Ep’ appartenaient déjà au passé « Still The Same »
sera le seul titre extrait de cette oeuvre en quatre volumes interprété ce soir. Plutôt que de
choisir la commodité et de piocher dans ses titres les plus récents, l’ami Jo préférera revenir
sur son premier album ‘Big City Secrets’ en jouant entre autre un « Mercedes » affûté à l’harmonica
ou encore un « Big City Secrets » du diable vite métamorphosé en un fond sonore techno-urbanisé.
Plus causant qu’à l’accoutumée, Joseph prendra ce soir le temps de plaisanter avec le public,
comme si entre le premier concert en mars dernier et celui de ce soir il avait appris à le connaître,
à se familiariser avec lui. Un bref discours et Pina se joint à Joseph pour l’accompagner, paroles à
la main, sur « Cockroach ». Décidément aussi à l’aise seul qu'escorté, Joseph se laisse emporter par
l’enthousiasme ambiant et refoule momentanément ses démons intérieurs. Mais la folie refait surface
quand il interprète ce qu’il a lui même baptisé une « Miles Davis Song » et qui n’est rien d’autre
qu’une improvisation où il s’exerce à chanter comme une trompette. Doit-on y voir un petit jeu pour
amuser le public ? Apparemment oui, comme en témoigne également le mot « Love » qu’il a innocemment
écrit sur le mur de la salle. Ce petit aparté une fois passé, Joseph Arthur clôture la soirée par une
version allongée et sereine de « Crying Like A Man ». La Scène se dépeuple au compte-goutte,
il reste ici et là des mégots et des gobelets piétinés, et quelque part sur une brique du mur un
simple graffiti laissé par un homme dans l’espoir de faire revivre à ceux qui auront l’occasion
d’y revenir les émotions de ce soir.
Rita Carvalho